Après des mois d’hésitation, l’Office fédéral de la santé publique a finalement lâché l’information le 27 avril 2017: la façon dont l’OFSP veut améliorer l’accès au traitement est enfin claire. Les patients chez qui la maladie progresse plus vite ou pour qui le risque de transmission est élevé doivent être traités sans restriction. Ce qui, de prime abord, semble positif, ne résiste pas à un examen critique, soulève des interrogations éthiques et complique plus encore au final l’accès au traitement.

Dans son communiqué de presse1 d’avril, l’OFSP indique que la restriction jusqu’alors existante à la fibrose de stade 2 et plus correspond aux directives internationales de traitement et aux pratiques de remboursement de nombreux pays européens. L’argument des directives internationales est parfaitement inexact. L’OFSP tient uniquement compte de ce qui rentre dans ses vues et occulte le reste. Il est vrai que toutes les directives recommandent instamment un traitement à partir d’une fibrose de degré 2. Mais toutes les directives indiquent également que le traitement doit être envisagé avant dans de nombreux cas. L’OFSP se défendra en arguant que les anciennes dispositions permettaient déjà le traitement en cas, de ce que l’on nomme, les manifestations extra-hépatiques. Mais on précipitait alors le personnel médical dans une épuisante course d’obstacles contre les caisses-maladies – puisque les médecins devaient faire la preuve des manifestations extra-hépatiques et de leur degré de sévérité. La décision pouvait être positive ou négative, selon les caisses, certaines caisses refusant même la prise en charge d’un traitement lors d’une fibrose de stade 4 (nous avons déjà traité le sujet).

L’affirmation concernant «la pratique de remboursement de nombreux pays européens» est quant à elle pure invention. Allemagne, France, Portugal, Italie, Slovénie: aucun de ces pays n’a émis de restrictions – et dans chacun d’eux, les coûts de traitement sont inférieurs.

Que signifie concrètement cette extension? Sont évoqués «les groupes de patients chez qui la maladie évolue plus rapidement ou pour qui le risque de transmission est élevé». Il est fait spécifiquement mention des patients présentant une co-infection au VIH et à l’hépatite B et des consommateurs de drogue par injection intraveineuse, ou encore des patients traités sans succès au préalable. Cela n’a pas été correctement pensé – les patients co-infectés au VIH sont déjà traités (essai HCVree de l’étude suisse de cohorte VIH). Concernant les consommateurs de drogue par injection intraveineuse: un médecin doit-il réellement à présent informer la caisse-maladie que le patient X s’injecte de la drogue? Cela est éthiquement injustifiable et ne regarde pas la caisse. Ce même médecin devrait peut-être conseiller à une patiente souffrant d’hépatite C et souhaitant avoir un enfant de s’injecter de la drogue pour pouvoir bénéficier d’un traitement?

L’OFSP a déjà assoupli les restrictions il y a un an – aux fibroses de stade 2 et aux manifestations extra-hépatiques. Au lieu de résulter en un plus grand nombre de patients traités, ceux-ci ont au final été moins nombreux qu’avant l’extension de la prise en charge. Aussi paradoxal que cela puisse être, les chiffres sont là – 2’200 patients ont été traités en 2015, contre 1900 seulement en 2016. Alors que l’on escomptait atteindre les 3000 à 4000 patients traités. L’inepte bureaucratie liée aux restrictions entrave en réalité l’accès efficace au traitement.

Avec ses procédés mal pensés, l’Office fédéral reste en terrain glissant, au point de vue juridique et éthique. L’OFSP a pour tâche d’intégrer au catalogue des prestations obligatoires les médicaments autorisés par Swissmedic qui remplissent les critères dits «EAE» (efficacité, adéquation et économicité) et de négocier avec l’industrie un prix entrant dans le cadre des dispositions légales. En modifiant constamment les restrictions, l’Office fédéral se positionne de fait comme expert en termes de traitement et de directives. Or ces questions sont de la responsabilité des médecins et des sociétés médicales. Aucune base légale ne justifie les restrictions. Elles génèrent une bataille administrative sans fin entre médecins et caisses-maladie et une inégalité de traitement entre les patients.

Les patients concernés se trouvent face à un dilemme. Doivent-ils contester les dispositions auprès du tribunal, se lancer dans une bataille juridique, alors qu’ils sont malades et attendre deux ou trois ans de plus pour bénéficier d’un traitement, ou doivent-ils plutôt se contenter d’importer directement les médicaments d’Inde en les payant eux-mêmes? Le calcul est vite fait pour la majorité d’entre eux – les génériques coûtent moins cher qu’un avocat et ont l’avantage d’agir efficacement, là où il faut.

Nous ne demandons à l’OFSP rien d’autre qu’une simple application de la loi fédérale sur l’assurance-maladie. Evaluer si un traitement est indiqué, nécessaire et approprié relève de la responsabilité du corps médical – c’est son métier, comme le stipule d’ailleurs également la loi.

Le communiqué de presse précité fait enfin mention d’une analyse de la situation concernant l’hépatite C mandatée par l’OFSP. Les conclusions de l’Office fédérale en sont discutables. Nous reviendrons sur ce sujet dans une prochaine newsletter.

 

David Haerry, Dani Horowitz / Mai 2017

 

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