On pourrait penser que ceux qui s’occupent de leur propre santé de façon responsable et se soucient de la santé des autres seraient encouragés. Mais malheureusement, ce n’est pas toujours le cas, comme me le démontre mon expérience et celle de nombreux autres autour de moi.

Je suis séropositif et je consulte un médecin environ tous les trois mois. Un test sanguin est toujours effectué pour vérifier si la charge virale est toujours indétectable et pour surveiller les paramètres du système immunitaire et ma santé. Lorsque je suis arrivé en Suisse en provenance de Berlin, il y a cinq ans, j’avais l’habitude d’être testé tous les trois mois pour d’autres infections sexuellement transmissibles comme la syphilis, la gonorrhée, la chlamydia, etc. Pour moi, c’est une évidence, tant que je n’abandonne pas le sexe. Cependant, il s’est avéré qu’il n’existe pas de règles similaires pour le dépistage des IST en Suisse et que les médecins agissent à leur bon gré.

Mon expérience, et celle d’autres personnes vivant avec le VIH en Suisse, montrent qu’il ne suffit pas de demander un test de dépistage des IST. Il faut aussi avoir des symptômes. En outre, de nombreuses personnes doivent dire quels risques elles ont encourus. Ou encore elles se font faire la morale selon laquelle il n’est pas bon d’avoir des rapports sexuels sans préservatif.

Bien sûr, tous les médecins ne font pas ça. Il existe parmi eux des exceptions qui nous permettent d’effectuer des tests de dépistage des IST sans poser de questions inutiles et sans noter les symptômes en tant que tel. Mais j’aimerais parler du système qui incite les médecins à se comporter de façon inappropriée envers leurs patients.

En tant que personne qui prend soin de moi et qui se sent responsable de la santé des autres, je ne veux pas devoir quémander un test de dépistage des IST tous les trois mois ou avoir à écouter un sermon à chaque fois. Dans de telles circonstances, je me demande s’il est préférable de me taire et de ne pas demander un test de dépistage des IST.

Oui, il y a des points de contrôle où les tests de dépistage des IST sont offerts sans trop poser trop de questions. Cependant, je pense qu’il est important que mon médecin me teste et qu’il soit au courant de tous les tests. Parce que j’ai besoin de mon médecin, mais avec confiance et compréhension.

Pourquoi le système de santé oublie-t-il les maladies sexuellement transmissibles asymptomatiques ? Pourquoi certains médecins me demandent-ils si j’avais un risque ou non ? Et pourquoi veulent-ils me mettre sur le « bon » chemin de leur point de vue ? Je suis une personne indépendante et à l’âge de 40 ans, je ne veux pas entendre un sermon moralisateur sur mon comportement sexuel. Après tout, je vais à l’hôpital et pas à l’église pour me confesser.

Je crois que la relation entre le patient et le médecin doit être honnête, ouverte et digne de confiance. Les médecins devraient bien connaître leurs patients pour les aider à mieux les traiter. Si le médecin tente d’interférer avec la vie privée du patient en portant atteinte à son code moral, le patient va simplement fermer ses portes. En fin de compte, personne n’en profitera.

La question est de savoir pourquoi il en est ainsi. La réponse est probablement simple – et à courte vue. D’abord, vous économisez de l’argent sur les tests de dépistage des IST. Mais ceci sans penser au coût de la guérison de tous mes partenaires sexuels après qu’ils se seront réinfectés avec une IST auprès de moi – seulement parce qu’on ne m’a pas proposé un test.

Pour éviter cela, il suffit d’établir de nouvelles règles, de changer le système et d’offrir les tests de dépistage des IST à toutes les personnes qui ont des relations sexuelles avec d’autres personnes. Les patients n’auraient plus besoin de demander ou de prouver qu’un tel test a du sens.

Si les tests de dépistage des IST sont offerts ouvertement, cela libère le patient et améliore la relation du médecin avec le patient. Si le patient rejette les tests au motif qu’il n’y a pas eu de risque, c’est bien sûr très bien. L’essentiel est que l’initiative vienne d’un médecin sans reproches moraux, préjugés et stigmatisation.

Les économistes peuvent se demander combien un tel changement de système coûte aux compagnies d’assurance maladie. Ma réponse est qu’à moyen terme, nous obtiendrons une population en meilleure santé et les nerfs du patient et du médecin seront épargnés.

 

Alex Schneider / Juillet 2019