Lors du deuxième Forum suisse des patients d’EUPATI-Suisse le 28 septembre 2018 à Lausanne, les quelque 20 organisations représentées ont rassemblé des résultats sur différents aspects de la qualité de vie dans un atelier. Autodétermination, ne pas être discriminé ou marginalisé à cause de sa maladie ou son handicap, avoir une coopération d’égal à égal avec son médecin et d’être soi-même le pilot de sa santé sont les base pour une bonne qualité de vie d’un patient.

Traitement, soins et médicaments

Bien que pour les médecins une thérapie efficace et bien tolérée soit au premier plan d’un traitement, pour le patient un bon accord avec son médecin est tout aussi important, de même que la possibilité d’un dialogue ouvert et confiant. Le patient attend de son médecin qu’il dispose de suffisamment de temps et de l’empathie nécessaire pour lui et qu’il ait été formé à l’écoute active à cet égard. Sinon, les patients qui ne se sentent pas compris ou pris au sérieux par leur médecin, commencent un interminable pèlerinage d’un spécialiste à l’autre, ce qui d’une part ne crée pas de relation de confiance et d’autre part augmente les coûts. Comme les visites du médecin dans les hôpitaux et le temps de consultation avec les médecins de famille sont souvent estimées comme trop courts par les patients, il est conseillé à ces derniers de préparer à l’avance les questions importantes qu’il souhaite poser au médecin. À part les docteurs, les pharmaciens et le personnel soignant peuvent aussi être de bons partenaires pour les patients. Bien que certains médecins n’aiment pas entendre, le patient a également le droit, en cas de doute, de demander un deuxième avis par un autre médecin. Dans ce cas cependant, toutes les parties impliquées devraient en être informées, également des résultats d’une expertise alternative.

Dans le cas des maladies rares, les patients concernés souhaiteraient des centres spécialisés et une coopération internationale plus intensive, car les petits centres et hôpitaux ont souvent trop peu d’expérience et de compétences en la matière. Les querelles entre médecins / hôpitaux et compagnies d’assurance maladie ‒ en particulier concernant le remboursement des traitements spéciaux et coûteux ‒ prennent parfois beaucoup de temps et sont perçues par le patient comme une menace sévère, car il se sent abandonné avec sa maladie. Les prix élevés de certains médicaments paraissent pour les patients exorbitants et incompréhensibles, surtout si ces mêmes médicaments sont moins chers à l’étranger. Par contre il n’est pas toujours facile de se les procurer le cas échéant, sans parler des difficultés d’un remboursement par les caisses maladie.

Les notices d’emballage des médicaments sont critiquées comme étant trop compliquées voir même incompréhensibles et effrayantes pour les malades concernés. Bien que les patients comprennent que pour des raisons juridiques, toutes sortes d’éventualités et d’effets secondaires doivent être mentionnés, un résumé ne contenant que l’essentiel avec une mise-en-page et un graphisme plus adapté à l’utilisateur (éventuellement sur un site Web au format interactif HTML) pourrait s’avérer plus utile pour les patients concernés.

Pour les voyages à l’étranger, il est conseillé aux malades de placer les médicaments dans leur bagage de cabine, accompagné de la liste de tous les médicaments qu’ils prennent régulièrement et d’une copie des ordonnances médicales.

Le bien-être mental

L’adhésion méticuleuse à une thérapie, donc l’adhérence, essentielle au succès de nombreuses thérapies en particulier pour les maladies chroniques, dépend beaucoup du bien-être mental du patient. La stigmatisation – encore plus l’auto-stigmatisation ‒ et le sentiment de culpabilité diminuent l’estime de soi chez le patient et affectent autant l’efficacité du traitement que la confiance du patient en son médecin. Le patient a besoin de temps et d’énergie pour accepter sa maladie et essayer de tirer le meilleur parti de sa situation et des inconvénients qui en résultent dans sa vie quotidienne. Pour beaucoup, c’est un défi de taille qu’ils ne maîtrisent pas toujours sans soutien. Il s’agit d’accepter sa maladie avec toutes ses conséquences ‒ mais sans fatalisme ‒ et de continuer à s’aimer soi-même et à soigner son corps malgré ses faiblesses et ses défaillances, donc à garder le contrôle sur sa vie. De nombreux patients apprécient le soutien et la motivation offerts par les organisations de patients et les groupes d’entraide, qui ont des grandes compétences et une expérience spécialisée et qui permettent aux personnes d’échanger avec d’autres malades qui sont dans la même situation. Souvent, le patient lui-même est le meilleur expert pour sa maladie, car en fin de compte, le patient devrait être ‒ comme le disait le Prof. Matthias Cavassini lors du Swiss Patient Forum à Lausanne ‒ lui-même le pilote de sa santé.

Le bien-être physique

Une maladie, surtout si elle est chronique, est souvent associée à des restrictions importantes des fonctions corporelles et des désagréments comme des douleurs permanentes, de la fatigue, des troubles du sommeil, de la digestion ou de la mémoire, etc. Cela nécessite des soins appropriés et ne doit pas être banalisé par l’entourage du patient. Souvent cela va de pair avec une dégradation des contacts sociaux et de l’intégration dans la famille, dans le cercle d’amis, sur le lieu de travail, dans la communauté, dans la paroisse. Le fait que le patient ne puisse plus vivre comme il en avait l‘habitude ne justifie pourtant pas qu’il soit réduit à sa maladie ou son handicap par son entourage. Bien que certains patients soient limités dans leurs fonctions mentales et physiques, ils souhaitent tout de même être pris au sérieux et ne veulent pas être marginalisés mais considérés comme des personnes à part entière. Il s’agit d‘éviter qu’ils se sentent isolés ou aient l’impression d‘être une charge démesurée pour leurs familles ou leur entourage.

Soins et prise en charge

Les patients souhaitent une prise en charge plus complète, non seulement limitée aux aspects purement médicaux, mais incluant aussi les aspects juridiques, sociaux, psychosociaux et autres, parce qu’ils sont souvent confrontées à des questions d’assurance vie, d’assurance maladie, de remboursement de traitement, d’indemnités journalières, de réinsertion dans le monde du travail et autres. Les organisations de patients et les groupes d’entraide locaux leurs sont également très utiles pour ces questions car ils peuvent fournir des contacts et de l’aide, comme par exemple des adresses de spécialistes du droit du travail ou de celui des assurances.

D’autre part, les familles et les proches des patients sont souvent mis au défi, voire dépassés, et ont besoin de conseils et d’un soutien pour leur faciliter la prise en charge de leur proche malade, car une telle tâche peut être source de stress, de tensions et de surcharge.

En outre, il a été critiqué que pour certaines maladies particulières, la formation du personnel médical était insuffisante et qu’une sensibilisation aux besoins particuliers de ces patients faisait défaut, voire même que des préjugés entraveraient une prise en charge adéquate. Il est également souhaitable que les patients soient conseillés par le personnel soignant sur les organisations d’entraide appropriées et les options de soutien pouvant être utiles dans leur cas. Chez les patients de langue étrangère, la barrière de la langue constitue souvent un obstacle supplémentaire. Si des traducteurs doivent être appelés pour de tels entretiens, ceux-ci doivent également respecter une confidentialité absolue.

Finalement, certains patients s’étonnent de l’existence de lois protégeant les animaux mais pas pour la protection des patients.

Assurance, assurance maladie, retraite, questions juridiques et financières

Les patients souffrant d’une maladie rare sont souvent confronté au dilemme suivant: Tant qu’aucun spécialiste n’est en mesure de poser un diagnostic clair, il n’y a pas de traitement adéquat et tant qu’aucun traitement efficace n’est disponible et appliqué, aucun remboursement des frais de traitement n’est possible. En plus, pour les médicaments coûteux, les compagnies d’assurance maladie sont souvent très réservées pour accorder le remboursement et retardent cela par de longues querelles et échanges de lettres. Le patient se sent alors seul et croit que personne ne s’intéresse ou soit compétent pour son cas pour en assumer la responsabilité. Le fait que la recherche et la formation des médecins soient davantage axées sur les maladies les plus courantes ne facilitent pas une prise en charge adéquate de ces cas. Les malades concernés souhaitent ici davantage de coopération transfrontalière car, dans un petit pays comme la Suisse, la masse critique manque souvent. Pour certaines maladies, comme par exemple le VIH, les assureurs (donc les assurances vie, les assurances pour indemnité journalière, les assurances complémentaires) sont souvent trop prudents et refusent des patients affectés par ces maladies.

Un patient qui ne peut travailler qu‘à temps partiel à cause de sa maladie devrait autant être respecté par ses supérieurs et ses collègues de travail qu’un employé travaillant à plein temps. Il ne devrait donc pas être considéré comme un «patient alibi» que l’on tolère dans l’entreprise juste pour des «raisons humanitaires». Il a droit à ce que son travail soit valorisé, car cela renforce son estime de soi. Un soutien juridique, par exemple lors de la réintégration dans le processus de travail, est donc important et évite de pousser le patient sur une voie de garage.

Qu’est-ce qui est le plus important pour le patient?

Les patients ne souhaitent pas être discriminés en raison de leur maladie ou de leur handicap, que ce soit par leur proches et amis, sur leur lieu de travail, lors de la recherche d’un emploi ou d’un logement où ailleurs dans la société. Ils veulent cependant que la confidentialité soit respectée sur tout ce qui concerne leur maladie. En particulier, c’est le patient qui décide qui devrait en être informé et à qui il veut en parler, car la stigmatisation ‒ plus encore l’auto-stigmatisation ‒ risque de l’isoler et de réduire de manière substantielle l’estime de soi et en conséquent sa qualité de vie. Il est important pour le patient de retrouver son équilibre et de vivre au mieux et en harmonie entre l’esprit et le corps. Il souhaite garder le contrôle de sa vie et veut être perçu comme un citoyen à part entière, un collègue, un membre de la famille. Car les personnes malades et handicapées ont autant droit à une vie épanouie et à l’autodétermination que ceux en bonne santé. La coopération avec son médecin devrait être un dialogue d’égal à égal entre des partenaires de même niveau. Il est également important que les patients fassent respecter leurs droits et revendications au sein des commissions, groupes de travail et autres organismes de la santé et de recherche sur les médicaments, et qu’ils puissent y faire admettre leurs représentants, bien évidemment dûment formés au préalable.

Note : Pour des raisons de lisibilité, les auteurs ont utilisé la forme masculine dans ce texte.

 

Hansruedi Völkle, Emilie Berger / Octobre 2018