Symposium d’Hépatite Suisse «Closing the Gaps»
« Au plan international, on sait d’où vient le vent » – c’est en ces termes que Michel Kazatchkine, ancien Directeur exécutif du Fonds mondial et pionnier du VIH, a ouvert le symposium 2018 d’Hépatite Suisse le 22 Octobre 2018 à l’université de Zurich. Il est nécessaire d’intégrer l’hépatite dans tous les programmes, le «mainstreaming» étant le mot-clé à l’heure actuelle. Il convient pour l’hépatite de placer les groupes de population particulièrement touchés au cœur des préoccupations, comme on le fait dans la lutte contre le VIH. Après tout, c’est aussi une question de droits de l’homme, du droit à l’accès aux soins pour tous, comme l’a affirmé le Professeur Kazatchkine dans son mot d’introduction.
Le symposium de la stratégie hépatite Suisse a réuni plus de 70 personnes en provenance de toute la Suisse et issues des horizons les plus divers. La première partie a été consacrée aux lacunes dans les soins apportés aux patientes et aux patients. Andrea Bregenzer de l’Hôpital cantonal d’Aarau a présenté, conjointement avec l’infectiologue bâlois Claude Scheidegger, un tableau effrayant des graves lacunes dans le traitement du groupe à haut risque des consommateurs de drogues. Pourtant, il suffirait d’une intervention requérant peu de moyens pour réduire drastiquement et durablement la charge virale au sein de ce groupe. Dans le cas des hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes, le Swiss HCVree Trial, présenté par l’infectiologue Dominique Braun, permet d’espérer la micro-élimination de l’hépatite C. Andreas Lehner, directeur de l’Aide Suisse contre le Sida, a montré pourquoi il est nécessaire de connaître le comportement de la communauté pour faire un travail de prévention efficace. La situation dans les prisons suisses est également alarmante. Le médecin pénitentiaire Hans Wolff de Genève a dépeint un tableau saisissant de la pratique très répandue des tatouages non stériles et de l’accès restreint à la prévention, au dépistage et aux traitements. Il y a là encore énormément à faire.
S’attaquer conjointement au VIH et à l’hépatite
La seconde partie du symposium a été entièrement dédiée à l’élimination. Dans son allocution, la conseillère nationale Barbara Gysi a plaidé en faveur d’une démarche associant le VIH et l’hépatite. L’Office fédéral de la santé publique devrait se montrer plus actif. Bettina Maeschli, directrice d’Hépatite Suisse, a présenté les premiers succès de la stratégie et montré que la Suisse ne peut guère espérer atteindre les objectifs d’élimination de l’OMS. En effet, les chiffres relatifs au traitement des patients atteints d’hépatite C sont à nouveau en recul. L’infectiologue Jan Fehr a lancé un appel en faveur d’une lutte contre l’hépatite menée avec ardeur et courage, comme ce fut le cas pour le VIH et comme cela le reste encore. Il faut aller de l’avant dans l’élimination conjointe du VIH et de l’hépatite, sans attendre de plus amples données probantes et les résultats d’autres études. Pour terminer, Greg Dore, infectiologue venu de Sidney, a exposé la stratégie d’élimination australienne qui est véritablement exemplaire. L’Australie dispose d’une stratégie de lutte contre l’hépatite depuis des décennies et l’élimination de la maladie est en bonne voie. Une grande partie des personnes atteintes ont déjà pu être traitées grâce au modèle innovant appliqué au prix des médicaments que le gouvernement a pu négocier avec les sociétés pharmaceutiques (le gouvernement a fixé les dépenses affectées aux traitements pour cinq ans ; plus les patients traités sont nombreux, plus le prix du traitement diminue). En outre, l’autorisation de la prescription a été étendue aux médecins de famille et l’accent est mis sur les groupes à risque. Enfin, on a pu constater que l’Australie dispose d’un suivi des données d’excellente qualité afin de surveiller l’élimination.
La Suisse a tout ce qu’il faut pour endosser un rôle de précurseur dans l’élimination de l’hépatite, comme elle l’a fait pour le VIH. Mais il manque une prise de conscience du problème et une volonté politique. Nous avons une chance unique de pouvoir éliminer une dangereuse maladie infectieuse. A nous de la saisir.
Nous remercions de leur précieux soutien les sponsors AbbVie, Aide Suisse contre le Sida, Association suisse pour l’étude du foie SASL, Centres de médecine de l’addiction Arud, Gilead, Ligue suisse contre le cancer, Office fédéral de la santé publique.
Vers les exposés :
https://www.hepatitis-schweiz.ch/fr/65/il-faut-une-volonte-politique
Bettina Maeschli / November 2018