Le congrès annuel de la Société européenne d’étude du foie s’est déroulé à Amsterdam du 19 au 23 avril 2017. Les thèmes majeurs restent inchangés: dépistage (visant à identifier des infections non diagnostiquées), traitement et suivi de patients après guérison. Rares sont les nouveaux médicaments introduits sur le marché – il s’agit surtout maintenant d’une mise en œuvre des traitements et de programmes nationaux permettant une éradication efficace de l’hépatite C. Dans le même temps, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a publié son rapport mondial sur l’hépatite pour 2017.

L’essentiel du rapport mondial sur l’hépatite de l’OMS:

Traitement

Les données relatives aux enfants souffrants d’hépatite C étaient jusqu’ici très rares. Le sofosbuvir & l’Harvoni ont été récemment autorisés pour l’enfant de 12 ans et plus, pesant plus de 35 kilos. On teste actuellement des dosages réduits de moitié pour l’enfant de 6 à 12 ans. Mais le traitement standard chez l’enfant reste à ce jour interféron pégylé plus ribavirine, administré sur une période de 24 à 48 semaines.

Il a été constaté quelques cas de réapparition d’hépatite B en lien avec le traitement. Les cas différaient les uns des autres et on ignore encore leur fréquence et le type de patients les plus touchés. Les directives de traitement européennes recommandent un suivi étroit des patients co-infectés à l’hépatite B, mais pas forcément un traitement de l’hépatite B.

Il a été peu question de nouvelles substances. La plupart des données concernaient la nouvelle combinaison pan-génotypique Glecaprevir & Pibrentasvir d’AbbVie. Ce traitement devrait être prochainement autorisé aux Etats-Unis et être ensuite introduit sur le marché américain. Nous ne pouvons ici, pour des raisons de place, entrer dans le détail des données. On mentionnera toutefois le fait que le génotype 3, difficile à traiter à ce jour, pourrait l’être en 8 semaines au lieu des 12 semaines jusqu’ici nécessaires.

Les thérapies actuelles permettent de traiter avec succès quelque 95 % de l’ensemble des patients. Mais qu’en est-il des 5 % restant? On tente à nouveau, souvent après un test de résistance, l’administration d’une autre combinaison, l’ajout d’un troisième médicament et/ou le prolongement du traitement. De nouvelles données ont aussi été présentées à l’EASL. Si l’on tendait jusqu’ici généralement à rajouter la Ribavirine et à allonger la durée du traitement, on observe de plus en plus de stratégies sans administration complémentaire de Ribavirine. Si les connaissances restent actuellement limitées, on semblerait se diriger à l’avenir vers un recours au test de résistance en cas d’échec de traitement1.

Suivi après guérison

Question majeure pour tous les patients: le traitement réussi de l’hépatite C influence-t-il la fréquence du cancer du foie? Une méta-analyse de 40 études2 a été présentée sur le sujet à l’EASL. Ont été comparées les données relatives à une première apparition de cancer du foie ou une récidive de cancer du foie après un traitement par DAA et celles après traitement par Interféron. Il s’avère que les cas de première apparition de cancer après un traitement par DAA sont presque trois fois plus fréquents qu’après traitement par Interféron (3,09 cas par 100 personnes-années contre 1,14). L’écart concernant les récidives est moins marqué (12,14 par 100 personnes-années contre 9,21). Mais les cancers du foie chez les patients traités par DAA différaient de ceux traités par Interféron. Les patients du groupe DAA atteint d’un cancer du foie étaient plus âgés et leur cancer, plus avancé. Beaucoup n’auraient pas pu être traités par Interféron. Les auteurs en concluent donc que les thérapies par DAA ne génèrent pas de risque plus élevé de cancer du foie après traitement. Deux autres études des banques de données VHC d’Ecosse et de Chine confirment ce point de vue.

Prise en charge des coûts et accès au traitement

Plusieurs pays sont à la peine avec la prise en charge des médicaments contre l’hépatite C. Un groupe de chercheurs travaille sur la question dans les régions UE/AELE3. France, Irlande, Portugal, Allemagne, Pays-Bas, Luxembourg et Pologne sont actuellement les seuls pays à offrir un accès au traitement sans restriction en cas de cancer du foie avancé. Certains pays bloquent l’accès au traitement pour les consommateurs d’alcool et de drogue (Pologne, Croatie, Slovakie, Hongrie, Slovénie et Bulgarie). À l’exception de l’Angleterre, tous les pays européens limitent l’accès aux seules prescriptions de spécialistes. Francesco Negro des Hôpitaux universitaires de Genève s’exprime sans détour sur la situation: «Les restrictions d’accès au traitement, largement répandues en Europe, vont à l’encontre de toutes les directives de la Société européenne d’étude du foie EASL. De nombreux patients ayant besoin d’un traitement en sont privés. Ces restrictions sont une conséquence directe des prix actuels des médicaments. Nous demandons donc à tous les acteurs de revoir leur stratégie, de manière à permettre à tous les patients de bénéficier d’un accès au traitement.»

Questions ouvertes

Programmes d’éradication du VHC – qu’est-ce qui fonctionne, quels sont les manques? Les données de Géorgie sont particulièrement intéressantes. Ce petit pays du Caucase (3,7 millions d’habitants) présente une prévalence très élevée d’hépatite C de 5.4 % (150’300 infections chroniques). Un programme d’éradication a été initié en 2015 sur la base de médicaments donnés par la société Gilead. Les éléments centraux de l’intervention sont l’atteinte d’au moins 25’000 traitements par an et des programmes dits de ‘réduction des risques’ pour les consommateurs de drogue. Ces programmes de réduction des risques montrent déjà des effets, avec une incidence du VHC en recul. La mortalité liée aux maladies hépatiques continue toutefois d’augmenter, car la plupart des sujets concernés ont contracté l’hépatite C avant 1990. La Géorgie pourrait malgré tout atteindre l’objectif d’éradication du VHC à échéance 2020. La condition nécessaire en est le maintien du nombre de traitements actuel et des programmes de réduction des risques. Indispensable également, une amélioration notable en termes de diagnostic – seuls quelque 20% des patients souffrant d’hépatite chronique sont identifiés à ce jour.

Quand on parle de stratégie d’élimination du VHC, la conversation s’attarde souvent sur un groupe de patients particuliers: les détenus. La prison offre une très bonne opportunité de traiter les patients à haut risque, et donc d’agir sur les taux de prévalence et de transmission. Les données relatives au traitement des détenus par les nouvelles thérapies par DAA sont toutefois très rares. Le personnel soignant de l’état de Victoria en Australie a mis à présent en œuvre un programme dans les 14 prisons d’Etat4. On estime la prévalence du VHC parmi les 6’000 détenus de Victoria à plus de 30 %. 633 d’entre eux ont à ce jour débuté un traitement. Le traitement anti-VHC s’avère efficace aussi dans cet environnement – 95 % des patients traités sont guéris en l’espace de 12 semaines. L’un des principaux défis est le suivi des patients après libération éventuelle – des patients dont on perd presque toujours la trace.

Et pour finir: le traitement anti-VHC réduit les risques cardiovasculaires5

L’hépatite C est une maladie systémique qui impacte les fonctions cardiaques et rénales, de même que les vaisseaux sanguins, le cerveau et le métabolisme du glucose. On n’en comprend actuellement que partiellement le mécanisme. On observe également des taux plus élevés de cancer autre que le cancer du foie, notamment s’agissant du lymphome non hodgkinien.

L’infection à l’hépatite C augmente en particulier le risque de maladie cardiovasculaire telle qu’insuffisance cardiaque, infarctus du myocarde ou encore artériopathie oblitérante périphérique – notamment chez les patients âgés, ainsi que chez les diabétiques et les hypertendus. Un groupe de recherche parisien a pu montrer qu’un traitement réussi de l’hépatite C réduit le risque d’évènements cardiovasculaires de 65 %.

Nous estimons que ces données forment autant d’arguments clairs pour un traitement précoce de tous les patients souffrant d’hépatite C.

 

David Haerry / Juin 2017

 

1Wedemeyer H et al. Safety and efficacy of the fixed-dose combination regimen of MK- 3682/grazoprevir/ruzasvir in cirrhotic or non-cirrhotic patients with chronic HCV GT1 infection who previously failed a direct- acting antiviral regimen (C-SURGE). International Liver Congress, abstract PS-159, 2017

2Waziry R, et al. “No evidence for higher risk of hepatocellular carcinoma occurrence or recurrence following direct-acting antiviral HCV therapy: A systematic review, meta-analyses, and meta-regression.” 52nd EASL; Amsterdam, Netherlands; April 19-23, 2017. Abstract PS-160

3Marshall A et al. Restrictions for reimbursement of interferon-free direct-acting antiviral therapies for HCV infection in Europe. International Liver Congress, Amsterdam, abstract LBP-505, 2017

4McDonald L, et al. Outcomes of treatment for hepatitis C virus infection in the prison setting. 52nd EASL; Amsterdam, Netherlands; April 19-23, 2017. Abstract PS-126

5Cacoub P et al. HCV eradication reduces the occurrence of major adverse cardiovascular events in hepatitis C cirrhotic patients: data from the prospective ANRS CO12 CirVir cohort. International Liver Congress, abstract PS 032, Amsterdam, 2017